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Vidéosurveillance high-tech

Publié le : 12/06/2018 15:50:22

Vidéosurveillance high-tech

La caméra même high-tech reste un outil de visualisation. Et l’analyse comportementale, une compétence humaine

La vidéosurveillance devient high-tech ! Reconnaissance faciale, lecture de plaque d’immatriculation, comptage des hommes, des bêtes ou des voitures… Les algorithmes ne cessent de se perfectionner, les images de s’embellir et la connectivité de gagner en rapidité. Désormais, pensent certains chefs d’entreprise, les humains ne servent plus à rien dans le domaine de la surveillance : le dirigeant peut tout maîtriser depuis son smartphone. Mais la sécurité est un métier à part entière, préviennent les professionnels du secteur. Pour l’exploiter à son plein potentiel, la vidéosurveillance a besoin de l’humain. Sinon, il ne s’agit plus de protéger les biens et les personnes, mais seulement d’élucider, une fois le dommage causé.

165 caméras de plus dans la capitale. Le conseil de Paris a décidé fin septembre d’ajouter 165 caméras aux 1 144 déjà existantes. Elles surveilleront les quartiers qui viennent d’être réaménagés, comme les Halles, Rive Gauche dans le XIIIe ou encore Beaugrenelle dans le XVe. Si l’on ajoute à celles de la ville les caméras de la SNCF, de la RATP, des musées, des installations sportives… la police a accès à plus de 13 000 “yeux” dans la capitale. Alors les caméras remplacent-elles les hommes, qu’il s’agisse d’effectifs de police comme d’agents de sécurité privés dans les entreprises ?

La montée en intelligence des équipements semble le rendre possible, affirme Guillaume Guitierrez, chef des ventes système d’alarme et vidéosurveillance chez Abus France : “il est clair qu’aujourd’hui, la technologie est de plus en plus importante dans le monde de la vidéosurveillance. De plus en plus d’outils nous permettent de baisser la marge d’erreur, mais l’intervention humaine reste indispensable, ne serait-ce que pour l’analyse des images”.

Des yeux et des algorithmes

Comptage des passants, reconnaissance faciale et accès à des fichiers de personnes interdites sur un site, lecture des plaques d’immatriculation… La surveillance ne cesse de se sophistiquer, entraînant logiquement une baisse des effectifs de ce secteur. “Chez D-Link, nous travaillons beaucoup sur des plugins, des modules complémentaires d’analyse vidéo, par exemple pour le comptage de véhicules ou de personnes, ce qui permet ensuite de générer des rapports, illustre Yannick Pagot, business development engineer videosurveillance pour D-Link France. Ça permet aux commerçants de savoir comment se déplacent les clients dans le magasin.”

La technologie est devenue suffisamment fine et intelligente pour effectuer des tâches simples, comme ouvrir automatiquement la barrière d’un parking en reconnaissant la plaque d’immatriculation de l’automobiliste qui a pris l’abonnement. La lecture de badge et la vidéosurveillance à l’entrée d’une entreprise permettent de se passer de gardiens tout en s’assurant que seules les personnes autorisées y pénètrent. “Sur des scénarios basiques, comme une congestion de foule, de circulation, un colis abandonné… les outils sont aujourd’hui performants, reconnaît Rémi Fargette, directeur de l’AN2V, l’association nationale de la vidéoprotection. Mais sur l’analyse comportementale, on n’a pas d’outils qui puissent remplacer l’homme. Dans le meilleur des cas, la caméra peut identifier qu’il se passe quelque chose et envoyer une alerte, mais elle ne peut pas qualifier cet événement.”

Jusqu’où ira la technologie ? C’est désormais la question que se posent industriels et associations. Est-il non seulement possible, mais aussi souhaitable, de parvenir à mettre au point des outils si perfectionnés qu’ils fonctionneront de manière parfaitement autonome ? Pour Yannick Pagot, le futur de la vidéosurveillance se situe notamment dans l’analyse et la gestion des comportements : “par exemple, dans un aéroport, vous posez votre sac quelque part et vous vous en éloignez. Au bout de 10 ou 30 secondes, le centre de contrôle recevra une alerte. Ça, c’est quelque chose que l’on sait déjà faire. Les caméras permettent de suivre les objets perdus, volés, abandonnés”. On sait aussi si un groupe de personnes se forme quelque part, se déplace, à quelle vitesse ou si au contraire le groupe reste statique. Les outils ont appris à gérer les allées et venues. Au point que la vidéosurveillance pourrait bien servir à d’autres buts que celui de la sécurité et la sûreté des biens et des personnes. Pour Yannick Pagot, “l’étude du comportement des individus est un point qui va évoluer dans les années à venir.

L’enregistrement, l’étude et l’analyse des allées et venues intéressent les professionnels du marketing”. Dans les lieux publics comme les allées commerçantes, mais surtout dans les magasins et les grandes surfaces, les caméras offrent l’opportunité de repérer les grandes lignes du comportement du consommateur lorsqu’il réalise des achats, et donc de réorganiser la surface de vente en conséquence, pour diriger le client vers les zones que l’on souhaite valoriser. “Beaucoup de sociétés travaillent sur des algorithmes dans ce sens, assure celui-ci. Ce n’est pas encore parfait, mais ça le deviendra. La caméra n’est qu’un outil de visualisation. Ce qui fait la différence, c’est l’intelligence qui est derrière.”

Les contre-pouvoirs de la CNIL

Mais les outils trop intelligents et surtout trop bien informés ne plaisent guère à la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés. L’enregistrement des personnes n’échappe pas à la loi, et les entreprises oublient trop souvent leurs droits et leurs devoirs en la matière. La Cnil s’avère particulièrement sensible à la question du fichage : les dirigeants qui seraient tentés d’installer un système de caméras de vidéosurveillance lié à un fichier salariés (avec la photo, le nom et la fonction de chaque employé), pour gérer l’accès à l’entreprise, auraient ainsi de bonnes chances de se voir épinglées.

Autrement dit, coupler de la vidéosurveillance avec de la reconnaissance faciale et l’identité des salariés est considéré comme trop intrusif pour la Cnil, surtout si le même travail peut être assuré par un système de badge et d’agents de sécurité. Les promesses de la technologie risquent donc d’entrer en contradiction avec la législation française, l’une des plus sévères d’Europe en la matière.

Mais, de toute façon, la caméra 100 % autonome est une chimère, admettent à demi-mot de plus en plus de fabricants. Mais tous les professionnels ne sont pas d’accord. Oui, disent certains, le jour viendra où les machines n’auront plus besoin des hommes pour repérer une infraction, une agression ou un vol, et envoyer sur place les forces de police ou des agents de sécurité. “Cette technologie n’est pas encore très répandue et les algorithmes, même s’ils sont performants, peuvent encore être améliorés, concède Yannick Pagot. Mais ça viendra dans le futur, de manière certaine.”

Des ambitions à la baisse

L’AN2V propose un autre son de cloche : la “détection automatique d’anormalité”, selon le jargon, n’est pas aussi avancée que ce que les industriels voudraient. “Il y a quelques années, les fabricants de logiciels étaient très ambitieux, se souvient Rémi Fargette. Ils nous promettaient monts et merveilles, ils disaient que les caméras deviendraient intelligentes et pourraient tout détecter. L’opérateur ne servirait presque plus à rien.” Ils affichent aujourd’hui des prétentions plus modestes. Les fabricants travaillent maintenant sur la consolidation et la fiabilisation des technologies existantes, c’est-à-dire la détection de mouvement, l’élimination des fausses alertes, la reconnaissance faciale, la distinction entre un enfant d’un adulte, l’identification d’une présence humaine ou animale… Des missions qu’ils remplissent de mieux en mieux et qui répondent aux besoins des entreprises. Un exemple : un parc de panneaux solaires doit être protégé et l’accès doit être interdit aux personnes étrangères au site. Or, dans certaines prairies, la circulation des animaux ne peut être dérangée et les clôtures doivent donc s’arrêter à une vingtaine de centimètres du sol. La vidéosurveillance doit alors être capable de faire la différence entre un lapin et une personne qui rampe sous la barrière. “Aujourd’hui, les systèmes sont en mesure de faire cela”, affirme Rémi Fargette. Mais analyser et qualifier le comportement d’une foule et en déduire la prochaine action pertinente en se passant de toute intervention humaine ? Cela n’arrivera peut-être pas, estime l’AN2V.

D’autant plus que la plupart des clients ne demandent pas ces outils. “80 % de nos ventes sont des commandes et des besoins standards, indique Guillaume Guitierrez, à savoir un enregistrement des mouvements, en direct ou en différé, pas de l’analyse vidéo.” Les dirigeants qui veulent s’équiper sont parfois friands de nouveauté, mais ce qu’ils demandent, c’est de la connectivité et du HD. “Nos clients veulent connecter leur caméra à leur smartphone, confirme Gonzague Prouvost, responsable marketing chez Abus France. Nous avons aussi beaucoup de demandes pour simplifier les angles de vue, zoomer et surtout la haute définition.

Chacun est désormais habitué à une qualité vidéo importante, sur tous les écrans.” La montée en puissance de la bande passante, qui permet de transférer des données de plus en plus lourdes via Internet, rend possible ces améliorations.

Vidéo-élucidation

Pour l’association nationale de la vidéoprotection, poser la question du remplacement des hommes par de la technologie révèle que la conception de la vidéo change de nature. “Il y a trois étapes d’un acte délictueux, explique Dominique Legrand, président de l’AN2V. Avant, pendant et après. Avant, il faut dissuader. Pendant, il faut intervenir. Après, il faut élucider.” Tous les dispositifs techniques doivent s’inscrire dans l’une de ces cases, pas les trois à la fois. Ce qui différencie les trois cases : l’humain.

Pour la phase de la dissuasion, un sondage réalisé en 2013 par l’Agora des directeurs de la sécurité, révèle que 75 % des Français se disent favorables au développement de la vidéosurveillance dans les centres-villes, les transports et les lieux publics. Contrairement à ce qui se passait il y a dix ans, les caméras sont bien acceptées… “à condition qu’elles ne remplacent pas les hommes, tempère Rémi Fargette. Le sondage montre aussi qu’à choisir entre vidéosurveillance et présence sur le terrain, les Français préfèrent encore l’humain.”

Pour la phase d’intervention, là encore, la présence physique est indispensable. Enfin, la phase d’élucidation suppose aussi de mobiliser des policiers. La connectivité ne remplace pas des personnels dédiés : si un capteur ou une caméra repère une situation anormale, comme une porte ouverte dans l’entreprise en plein milieu de la nuit, que se passe-t-il ? Si le dirigeant se passe de salariés ou de prestataires spécialisés dans la sécurité, il recevra une alerte sur son téléphone, avec une notification. “Au bout d’un moment, le chef d’entreprise en aura assez de recevoir des messages à propos des portes ouvertes, assène Dominique Legrand. Aller vérifier ce qui se passe, ce n’est pas son rôle. La sécurité est un métier.” “Il faut démystifier la vidéo”, renchérit Rémi Fargette. Pour l’AN2V, le problème se résume simplement : quand l’humain disparaît, ce n’est plus de la vidéosurveillance, c’est de la “vidéo-élucidation”. Autrement dit, on accepte le risque, au nom d’une économie de moyens.

Réglementation et vidéosurveillance : do’s and don’ts
La réglementation sur la vidéoprotection est très restrictive en France, en particulier dans la sphère professionnelle. “Le principe de base, en droit français, c’est l’information”, explique Rémi Fargette, directeur de l’association nationale de la vidéoprotection (AN2V). C’est le principe du contrat d’adhésion : à partir du moment où je suis conscient de l’existence d’un tel dispositif, mon entrée dans les lieux représente une acceptation tacite. Pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), une simple inscription “vidéosurveillance” dans un magasin ne suffit pas. Les clients comme les salariés d’une entreprise doivent pouvoir exercer leur droit d’accès aux images les concernant.

Par ailleurs, accepter la présence des caméras ne signifie pas être surveillé en permanence. L’an dernier, la Cnil a d’ailleurs rappelé à l’ordre Apple, car les caméras restaient braquées sur des salariés sans raison valable. “Interdit !”, indique la Cnil. “Sauf si la mission du salarié le justifie, explique-t-elle, comme par exemple pour un croupier dans un casino.”

Le droit protège aussi les espaces de pause, les toilettes, les vestiaires, les douches, les locaux syndicaux… En d’autres termes, la caméra sert pour de la sécurité, pas du “flicage” de salariés. “Trop souvent, les chefs d’entreprise ignorent tout ou partie de la réglementation et ils ne sont pas en conformité avec le droit, regrette Rémi Fargette. Par exemple, la plupart des commerçants ne mettent pas de panneaux indiquant la présence d’une caméra ou ne demandent pas les autorisations nécessaires.” Tout dispositif de vidéosurveillance doit être déclaré auprès de la Cnil et des instances représentatives des personnels, et doit être autorisé par la préfecture, via le formulaire “vidéoprotection”. En cas de litige avec les salariés par exemple, les images d’une caméra non déclarée sont tout simplement irrecevables devant la justice.

Vidéo + objets connectés
La révolution des objets connectés n’a pas épargné le monde de la vidéosurveillance. Les nouvelles technologies, smartphone et tablettes en tête, ont transformé le rapport à l’image. Recevoir les images d’une caméra de surveillance directement sur son portable est devenu courant, aussi bien pour les particuliers que pour les chefs de petites entreprises ou les artisans. Mais la vague des objets connectés permet d’aller encore plus loin. “Pléthores de nouvelles sociétés inondent le marché d’objets connectés, remarque Dominique Legrand, président de l’association nationale de la vidéoprotection (AN2V). Ils permettent de remonter de l’information. Ça nous intéresse pour passer de l’après à l’avant.” Par exemple, pour contrer le vol de cuivre, certains fabricants imaginent des petits capteurs glissés sous chaque regard qu’il faudra soulever pour voler le câble. Une alerte ? Et la vidéoprotection se déclenche, pour permettre aux agents de sécurité ou aux forces de l’ordre de lever le doute et de prendre une décision d’intervention.

“On peut aussi envisager des boutons d’urgence près des caméras installées dans les villes, poursuit Dominique Legrand. Vous êtes témoin d’une agression ? Vous appuyez sur le bouton d’urgence, qui vous met en contact avec un opérateur. Ce dernier sait où vous vous trouvez grâce à de la géolocalisation, il peut contrôler la caméra près de vous et donc évaluer la situation. Enfin, il peut identifier la patrouille de police la plus proche et l’envoyer sur place.” L’objet connecté dédié à la surveillance pourra donner une meilleure compréhension des foules, signaler les portes ouvertes qui ne devraient pas l’être, voire les intrusions ou même les vols… “Mais la vidéo reste indispensable”, estime Dominique Legrand. Et pour que la caméra donne son plein potentiel, il faut un humain derrière.

Marchés publics à la hausse
Les villes deviennent de grosses consommatrices de vidéosurveillance. Sur les 6 premiers mois de l’année 2015, 545 appels d’offres ont été publiés pour des équipements en vidéosurveillance. L’an dernier, 570 marchés ont été attribués, contre 424 en 2011. 47,2 % des acheteurs sont des collectivités, 12,6 % des intercommunalités.

Source : www.club-achat-public.com/Les Échos

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